Vous êtes-vous prédestinée très tôt à cette carrière artistique ou est-ce le hasard qui a décidé pour vous ?
À 10 ans, j’avais déjà une grande ambition, je voulais être metteur en scène. Puis, vers 15/16 ans, je me suis inscrite dans une école d’art dramatique. Ensuite, j’ai voulu devenir psychiatre, mais me suis tournée vers l’architecture. La suite vous la connaissez ! On ne peut pas renier ses premières amours.
Quels sont vos acteurs de référence et vos films cultes ?
Mes acteurs de référence restent indéniablement Clint Eastwood, Paul Newman (metteur en scène méconnu) et Robert Redford (artiste complet). Et pour la partie féminine, je vous citerai Meryl Streep et Gena Rowlands. Que des américains ? Oui, j’en conviens.
Mon film culte ? Certains l’aiment chaud avec Marilyn Monroe, Tony Curtis et Jack Lemmon.
Patrice Chéreau tient une place importante dans votre carrière professionnelle. Représente-t-il le moteur de votre parcours ?
Non, absolument pas. Mais il est vrai qu’il est le premier metteur en scène à m’avoir fait confiance. Je ne l’oublierai jamais. Il m’a offert six rendez-vous magiques à travers le cinéma et le théâtre : des rencontres fortes et fertiles à chaque fois. Le fait d’avoir appris à travailler sans lui, était un atout majeur à ses yeux, j’en reste convaincue.
Cinéma, Théâtre, vous jonglez de l’un à l’autre avec aisance. Sont-ils complémentaires ou diamétralement opposés au niveau du travail et du ressenti ?
Ils sont diamétralement opposés.
Au théâtre, vous maîtrisez un texte, une technique et vous communiez avec votre public à chaque représentation. Ce partage vous renvoie des émotions très fortes, tout au long du jeu et du salut.
Alors qu’au cinéma, vous vous retrouvez en vase clos, encadré par toute une équipe. Vous déversez alors des émotions beaucoup plus spontanées.
Longtemps cataloguée « second rôle », mais récompensée néanmoins pour vos excellentes prestations dans Milou en Mai (Louis Malle), Indochine (Régis Wargnier) puis Ceux qui m’aiment prendront le train (Patrice Chéreau), vous remportez cependant le César de la meilleure Actrice en 2001 pour Stand by (Roch Stéphanik). Quelle victoire ! Les professionnels vous ont-ils envisagé différemment, dès lors ?
Il est vrai que le regard des gens a changé. Je n’étais plus l’éternel « second rôle », mais envisagée alors comme une actrice à part entière. Je l’ai surtout ressenti auprès des journalistes qui se mirent à m’aborder différemment.
Votre actualité est chargée cette année encore ! Au théâtre de l’Atelier, vous interprétez « La Douleur » de Marguerite Dumas, et ce depuis 2008, mise en scène par Patrice Chéreau. Depuis toutes ces années, les émotions de M., le personnage que vous incarnez, n’ont-elles pas une emprise sur vous ?
Non, il n’y a aucune confusion possible entre M. (cette femme) et moi, même si la pièce est très éprouvante. Nous avons eu la chance de nous produire au Japon, au Vietnam, au Brésil et dans de nombreux pays d’Europe. Une très belle aventure, qui je l’espère, va perdurer encore longtemps.
Au cinéma, nous vous verrons très prochainement dans le film de Joël Farges, « J’irai au pays des Neiges ». Une merveilleuse adaptation de la vie d’Alexandra David-Néel (1868-1969) indépendante, curieuse, audacieuse, avide de voyages et de cultures diverses, qui retranscrira ses périples à travers une œuvre littéraire considérable. Qu’est qui vous a séduit dans ce rôle ? Pourriez-vous nous annoncer sa date de sortie ?
Je connaissais déjà la vie d’Alexandra David-Néel, cette très grande journaliste devenue écrivain, au parcours atypique. Convertie à l’âge de 19 ans, elle était très reconnue dans le milieu bouddhiste, auquel elle appartenait. Alors comment ne pas être séduite par ce rôle d’exploratrice du Tibet, en tournant dans l’Himalaya ? La sortie du film est annoncée début 2012.
Pour France Télévisions, vous avez également participé au film « Un autre monde » de Gabriel Aghion, retraçant l’histoire des engagés indiens à la Réunion peu avant la Première Guerre Mondiale, dont la diffusion est prévue en fin d’année. À vos côtés, Claude Brasseur, Samuel Labarthe, Jean-Emmanuel Pagni et Mati Diop. Changement de décor, de climat et d’ambiance puisque le tournage a lieu sur l’île même, en costumes d’époque, ce qui n’était pas pour vous déplaire… Parlez-nous un peu de ce film, des conditions de tournage, de l’ambiance sur le plateau…
Le scénario m’a vraiment interpellé. C’est une fiction dans laquelle on aborde le sujet délicat du trafic des esclaves. L’ambiance du tournage fut excellente, et quel plaisir de partager l’affiche avec Claude Brasseur, il est si drôle ! Quant au port du corset, les conditions climatiques nous obligeaient à ne pas trop nous mouvoir, afin qu’il devienne supportable.
La sortie de ce téléfilm, qui risque d’ailleurs d’être diffusé au cinéma, est annoncée pour la fin de l’année.
De vous à nous ! La fatigue est un mot inexistant dans votre quotidien ? Comment faites-vous ? Craignez-vous que les propositions de rôles vous échappent avec le temps, pour en faire une telle boulimie ?
Il est vrai que la fatigue est là, mais que je ne la ressens jamais vraiment. Mon métier est si passionnant, et j’ai la chance de recevoir tant de propositions. Pourquoi m’en plaindre ?
Au cours de votre carrière, vous est-il arrivé de rejeter des propositions de scénario ?
Je l’avoue. Je suis très sélective et refuse tout scénario que je ne ressens pas ou qui m’apparaît comme non abouti ou mal ficelé. J’ai une chance incroyable dans mon métier : j’ai la possibilité d’accepter ou de refuser.
Dans quel domaine ne vous êtes-vous pas à ce jour réalisé ? Avec qui aimeriez-vous travailler ?
Dans un futur proche, je souhaiterais réaliser un nouveau documentaire, comme je l’avais fait à l’occasion du Festival Letton en France, en 2005, et que j’avais consacré à Sandra Kalniente, « La dame de Lettonie ». Cette rencontre et cette discipline nouvelle m’ont révélé une autre facette de mon approche cinématographique. Le projet abouti, j’en fus ravie.
D’autre part, j’aimerais beaucoup travailler avec Alain Resnais et de jeunes réalisateurs aussi, pourquoi pas ?
À bon entendeur !
Merci Dominique et à très vite sur scène, sur nos toiles ou nos plasmas !