Jimmy Jean Louis

Né à Pétionville à Haïti, Jimmy y vécut modestement jusqu’à l’âge de 12 ans, dans une petite maison, sans eau ni électricité. Alors, lorsqu’il arrive en France et s’installe avec toute sa famille dans une cité du Val d’Oise, sa vie en HLM lui offre un confort inestimable ! Les études ? Bof ! Il préfère traîner dans les rues avec ses potes et fouler le dancefloor des boîtes de nuit, comme le Palace et les Bains Douches où il sera très vite remarqué pour ses compétences artistiques, par un professeur de l’Académie Internationale de Danse. Il prend alors des cours, se perfectionne, passe une audition et se fait embaucher dans la comédie musicale « La belle époque » produite à Barcelone. Il quitte aussitôt la France, et part s’installer en Espagne. Repéré par une agence de mannequin, son physique avantageux lui permet de décrocher plusieurs publicités, et quelques parutions dans des magazines prestigieux. Le mannequinat le conduit ensuite à Los Angeles et lui ouvre les portes du cinéma. Dix ans après, il vit toujours à L.A. et enchaîne les films tels « Sa mère et moi » avec Jane Fonda et Jennifer Lopez, « Hollywood homicide » avec Harrison Ford, « Les larmes du soleil » aux côtés de Bruce Willis et Monica Bellucci…

A la télévision, il participe aux épisodes de « Fastlane », « Docteur Vegas » et « The shields », mais son rôle d’Haïtien dans « Heroes », pendant 4 ans, lui vaut la reconnaissance du public.

Depuis 2007, il a tourné dans 5 longs métrages et trois films en France ; « Coursier » de Hervé Renoh, « Orpailleur » de Marc Barrat et « Moloch Tropical » de Raouel Peck.

Très attendu, le téléfilm « TOUSSAINT LOUVERTURE » de France Zobda et Jean-Lou Monthieux, sera diffusé les 14 et 15 février sur France 2, à 20h30. Il y incarne le rôle titre.

A la veille de la révolution française, Toussaint Louverture, esclave affranchi, prépare Saint-Domingue à se libérer de ses chaînes, imposées par la colonisation française. Il luttera toute sa vie contre l’esclavagisme et défiera même le pouvoir de Napoléon pour permettre à sa terre de devenir le premier Etat Noir indépendant du monde, et créer ainsi Haïti, au péril de sa propre vie.

Aviez-vous rêvé plus belle proposition que celle d’incarner la vie d’un personnage historique, méconnu de beaucoup, qui a mené, durant des années, un combat sans merci pour libérer les hommes noirs et leur rendre leur territoire ?

Lorsque France et Jean-Lou m’ont appelé pour me proposer leur projet, j’ai tout d’abord été surpris, mais également flatté. Puis, sans l’ombre d’une hésitation, j’ai accepté ce rôle qu’ils m’offraient. Je porte Haïti dans mon cœur, alors comment pourrais-je refuser d’interpréter Toussaint Louverture ? Ce film retrace l’histoire de l’humanité, à travers un personnage qui a conduit Haïti à son indépendance. Un cadeau inespéré, j’en conviens !

Afin de reproduire au mieux cette épopée, vous êtes-vous documenté personnellement sur son ascension, son charisme, sa vie personnelle ?

Bien que je connaisse son histoire, je me suis effectivement lancé dans quelques recherches personnelles à Haïti même et regarder quelques documentaires. Pendant 2 mois, j’ai appris à monter à cheval, à conduire une calèche et à manier le sabre. Il fallait absolument que je parvienne à intégrer les différentes facettes du personnage. Un véritable investissement personnel, mais tellement riche. Toussaint Louverture est bien plus qu’un film : il a valeur de message, un réveil de l’histoire de notre pays.

Pourquoi ce personnage est-il très controversé dans l’histoire ? Quel regard porte la France sur cet homme ?

A la fois admiré, craint et détesté tant par les blancs que les noirs, Toussaint était à la fois autoritaire, volage et passionné. Comment est-il parvenu à vaincre l’armée de Napoléon Bonaparte ? La France ne lui a pas pardonné son impertinence. Il aura fallu 204 ans, après l’indépendance du pays, pour qu’un président français, Nicolas Sarkozy, se rende enfin à Haïti. Rappelons néanmoins que cette visite se fit peu de temps après le tremblement de terre…

Au milieu de ce peuple noir et des colons blancs vivaient également des mulâtres. Comment parvenaient-ils à se positionner durant toute cette période ?

Cette différence est bien ancrée dans les mœurs. Il faut savoir qu’un métis est beaucoup plus apprécié qu’un noir et que sa position sociale est plus confortable. La bourgeoisie haïtienne est mulâtre. Le métissage est synonyme d’avenir, pas seulement à Haïti, mais dans tous les pays confrontés à cette mixité devenue un véritable phénomène de société.

Esclave, puis affranchi, nommé général puis gouverneur… Toussaint Louverture a eu un destin hors du commun. Se battre pour sa terre natale, c’est aussi votre combat ! Parlez-nous de votre ONG « Hollywood unites for Haiti » fondée en 2008 !

Créée il y a 3 ans avec ma femme, on se bat pour venir en aide aux enfants défavorisés. On a bâti une école avec des cours gratuits. Les enfants profitent également d’un repas chaud. On tente de combattre l’illettrisme en apportant aux jeunes quelques bases rudimentaires, comme lire, écrire, compter. Dans une classe de niveau CE1, il est fréquent d’y trouver des enfants de 12 à 15 ans. Plus on s’éloigne des villes et plus le taux d’analphabètes est élevé. On aimerait vraiment remédier à ce problème.

Haïti a payé son indépendance de manière forte, puisque la France lui a accordé au prix d’une dette sévère, réglée dans son intégralité depuis peu. Par conséquent, il est aisé de comprendre qu’en raison de ces conditions économiques et politiques imposées, Haïti n’est jamais parvenu à prendre son essor. Les conditions de vie y sont encore très précaires, et il n’est pas rare qu’au cours de mes séjours, je croise des enfants qui me demandent à manger et à boire. C’est pathétique !

La production envisage t-elle de présenter ce long métrage à l’étranger ?

Ce film sera présenté dans de nombreux festivals en France et à l’étranger. Quant à la diffusion sur des chaînes télés étrangères ou tout autre support, seule la production pourrait répondre à cette question. Pour ma part, je souhaite vraiment que ce film traverse les frontières et répande son message.

Vous êtes vous rendu au Château de Joux, dans le Doubs, où il a été incarcéré et maintenu isolé jusqu’à son dernier jour ?

Non, pas encore, mais je l’envisage. En raison d’une météo clémente durant le tournage, nous n’avons pu tourner au Château les scènes de son incarcération. La séquence a donc été tournée dans les Alpes enneigées.

Pour l’heure vous vous apprêtez à participer au Festival de Luchon qui se déroulera à partir du 8 février, suivi de Festival de Los Angeles, où sera diffusé ce film. Alors heureux ?

Je suis très fier d’aller présenter cette épopée historique avec toute l’équipe, et je souhaite, du fond du cœur, que l’impact de ce film soit retentissant. Toussaint Louverture était un véritable héros de l’histoire. Il fut le précurseur de Mandela, Martin Luther King et tant d’autres…

Très impliqué dans l’aide humanitaire pour son pays d’origine, Jimmy a réalisé un documentaire/témoignage « HAITI 16:53», démarré au lendemain du tremblement de terre du 12 Janvier 2010, dont la sortie sur nos écrans est imminente. Un témoignage d’autant plus poignant qu’il a été tourné par un enfant du pays !

Combien de temps a duré le tournage ?

J’ai tourné tous les mois, lors de mes séjours à Haïti, et ce, pendant 18 mois. C’est un travail titanesque et je vous avoue que le montage n’est toujours pas terminé.

Ce séisme qui a touché près de 300 000 personnes, mais épargné néanmoins votre famille, vous révolte encore aujourd’hui malgré vos diverses interventions sur le terrain et vos entretiens avec plusieurs hommes politiques sur Washington. Notons que vous avez été reçu à la Maison Blanche pour y rencontrer les présidents Clinton et Obama.

Il m’a été offert de rencontrer le Pdt Clinton dans divers lieux, comme Miami. J’ai également participé à de nombreux meetings dans le cadre de la fondation Clinton. Il s’investit énormément pour Haïti. J’ai également rencontré Nelson Mandela en 2008, et c’est exact, la Maison Blanche m’a ouvert ses portes. Au-delà de tous ces échanges, je suis un peu déçu par le manque de réactivité du monde politique. En raison de son instabilité et des sommes à engager, je me rallie au temps qui passe, en espérant qu’ils proposeront une solution concrète dans un avenir proche. De nombreux pays avaient offert leurs aides pour bâtir un Haïti nouveau. Je ne suis pas certain que tous aient fourni l’effort annoncé. Seul, Leonel Fernandez, Président de la République Dominicaine, a mené à bien son projet de construire une université. Le campus universitaire a d’ailleurs été inauguré le 12 janvier, jour de la commémoration du 2e anniversaire du terrible tremblement de terre, en présence du Pdt Haïtien Michel Martelly et du Pdt Fernandez.

A partir de ce documentaire, envisagez-vous de récolter des fonds pour subvenir aux besoins de ce peuple ? Quelles en seraient les priorités ?

Je continuerai à m’investir pour mon pays, coûte que coûte, car il faut aboutir à des changements radicaux. La précarité reste dominante. Il faut éradiquer les problèmes majeurs, telle que l’électricité dont les fréquences de coupure sont ingérables, car dès qu’elles surviennent, la durée de rétablissement des lignes oscille entre quelques heures ou plusieurs jours. Les réseaux d’infrastructures sont inexistants. L’éducation afin d’enrayer l’illettrisme. Les hôpitaux et aides-médicales sont à développer et à moderniser. La catastrophe de 2010 a fait naître une génération de mutilés et d’orphelins qui tentent de survivre sans parents, sans attaches, livrés à eux-mêmes. Ce peuple est encore aujourd’hui confronté à d’indescriptibles scènes de désolation. Sur une partie de l’île, les débris n’ont toujours pas été retirés…

Alors qu’au sud et au nord du pays, de magnifiques plages bordent celle qu’on appelait autrefois « La perle des Antilles »… Pourquoi ne pas créer un packaging permettant aux vacanciers qui séjournent en République Dominicaine, de faire une escale ici ? On pourrait ainsi relancer le développement touristique !

Comment les haïtiens perçoivent-ils les étrangers ? Quel accueil réservent-ils aux français ? N’ont-ils pas entretenu une rancœur particulière à la France ?

Détrompez-vous ! Les étrangers sont fort bien accueillis, d’autant plus s’ils sont blancs. Ils les perçoivent comme des messages d’aides et de solidarité.

Toussaint Louverture et vous êtes liés à cette terre. A chacun son combat et ses armes ! « HAITI 16 :53 » va-t-il parvenir à rallier d’autres associations à votre cause ? Envisagez-vous de le présenter à l’étranger ? Si oui, dans quels pays ?

A travers ce reportage, j’offre une visibilité et une transparence totale sur la situation actuelle du pays. Je souhaite que ce reportage sensibilise le public, que d’autres associations se rallient à mon combat (why not ?) et que le monde politique se manifeste en offrant des projets concrets. Le message est universel puisque provoqué par une catastrophe naturelle, j’aimerais donc le relayer aux yeux du monde entier, pour toutes ces raisons.

Pouvez-vous d’ores et déjà nous communiquer la date de sortie de « HAITI 16 :53 » ?

Non, pas encore, vous m’en voyez désolé, mais promis, je vous tiens au courant !

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