Est-ce que vous pouvez nous parler de votre parcours ?
C’est l’histoire d’une double enfance. J’ai vécu à Londres jusqu’à l’âge de 9 ans. Puis, je suis parti sur l’île de Saint-Vincent. C’est là dans les Caraïbes que j’ai découvert la musique et que j’en suis tombé amoureux: le rythme, les mélodies, le côté détendu du style de vie… Mais j’ai été aussi sensibilisé aux questions sociales qui se posent dans un pays en développement économique. Je suis revenu à Londres, quand j’avais 17 ans. Ma vie s’est ensuite résumée aux studios d’enregistrement, à la vie nocturne, à l’énergie créatrice de Londres, à son fonctionnement permanent, si l’on peut dire. J’ai alors réalisé que j’étais peut-être fait pour composer des chansons. C’est une chose qui s’est imposée d’elle-même. Je suis issu d’une famille très créative musicalement. Petit à petit, je me suis aperçu que je ne pouvais pas travailler dans un autre domaine que la musique.
Pouvez-vous nous décrire votre style musical ?
Mon style musical est entièrement le produit de mon histoire. Ma vie est un mélange de genres et cela se reflète tout à fait dans ma musique. Le fait que je sois issu d’une famille mixte, avec des parents noirs et des parents blancs, cela a son importance aussi. Le fait que je sois d’origine écossaise et anglaise… Il n’existe pas un seul style musical qui puisse résumer tout ça à la fois.
Votre musique a-t-elle évolué depuis votre départ du groupe Mattafix ?
Si vous écoutez attentivement une chanson comme “Passer By” sur le premier album de Mattafix, vous vous rendez compte que le titre “New Age” (ndlr: présent sur l’album solo de Marlon Roudette) n’est pas si différent. Mattafix était le résultat de plusieurs styles. Mais peut-être que j’ai l’impression que ma musique a évolué du fait de la contribution personnelle assez conséquente que j’ai dû apporter pour ce nouvel album. Plusieurs membres de mon entourage et quelques journalistes qui ont écouté l’album me disent qu’ils entendent quelques éléments du “son Mattafix”. Mais comme je l’ai dit, le nouvel album est bien plus personnel. C’est la musique qui prime. C’est un aspect que j’avais très envie de développer. Dans ce but, j’ai travaillé avec de nombreux compositeurs, plus traditionnels dans leur approche musicale. Je n’ai fait qu’y ajouter mon côté moins soigné, issu de la rue, par la suite.
Pourquoi avoir décidé de quitter Mattafix et se lancer en solo ?
Je suis parti du groupe tout d’abord pour des raisons logistiques. La créativité de Mattafix s’était essoufflée. Preetesh Hirji et moi-même étions en quelque sorte emprisonnés dès que nous étions en studio. Pour nous, il était devenu évident qu’il fallait se séparer.. Ca m’a fait mal au coeur. La transition n’a pas été facile pour moi. Mais une fois que mes chansons ont commencé à circuler et que j’ai commencé à avoir des retours dessus, je me suis rendue compte que c’était définitivement la bonne solution.
Votre nouvel album s’appelle “Matter Fixed”. Est-ce un clip d’oeil à Mattafix ?
Absolument. Je ne sentais pas prêt à quitter le groupe. Ensemble, nous sommes partis en tournée dans le monde entier. Nous avons écrit des chansons extraordinaires. Nous avons passé des moments formidables. Je suis une sorte de leader de groupe malgré moi. Quand j’étais petit, je n’étais pas le genre d’enfant à s’entraîner devant un miroir avec un faux micro dans les mains. Je ne me suis jamais vu faire ça. J’adore avoir une équipe. Je travaille mieux avec des gens autour de moi. Je suis plus un collaborateur. Je n’étais pas prêt à lâcher tout ça. C’est aussi une expression aux Caraïbes. Elle a un sens très important pour beaucoup de personnes là-bas. Voilà pourquoi j’y suis attaché.
Vous sentez-vous à l’aise avec le fait d’être seul maintenant sur scène ?
Oui, mais je pense que je ne l’aurais pas fait si ces chansons n’étaient pas les miennes et si ma créativité n’était pas là à 100%. Je ne pense pas avoir la voix qu’il faut pour interpréter les chansons de quelqu’un d’autre. Mais je me suis tellement investi dans cet album et dans l’histoire qu’il raconte que c’est plus facile pour moi d’être seul sur scène.
Vous faites parler de vous dans toute l’Europe et vous espérez percer en France également. Que savez-vous sur la France et qu’aimez-vous dans notre pays ?
Je suis venu la première fois à Paris quand j’avais 18-19 ans. J’ai payé mon billet Eurostar avec ma toute première paie. J’ai fait cette chose assez cliché qui est de m’asseoir à un café et je me suis demandé pourquoi plus de gens ne s’installent pas ici. La cuisine, le mode de vie, l’intérêt général pour la musique… Mon meilleur ami habite Bastille, à Paris. Mon filleul est ici aussi. Alors j’essaie de venir aussi régulièrement que je le peux. J’ai quelques très beaux souvenirs. Selon moi, jouer à l’Elysée Montmartre est le point fort de n’importe quel artiste dans sa carrière. J’ai eu la chance de m’y produire avant que la salle ne brûle. Tenir la main de très jolies filles sur les escaliers menant au Sacré-Coeur. Ce n’est pas un hasard si Paris a cette réputation de ville romantique. Mais il n’y a pas que Paris. J’ai voyagé à travers toute la France. Le Sud de la France est magnifique. Je suis allé à Cannes et Marseille à plusieurs reprises. J’ai des souvenirs très précieux de ces endroits. Pour moi, revenir ici grâce à la musique, c’est vraiment très important. Un autre point fort a été de jouer en live pour l’émission de télévision Taratata, faire quelques notes avec Manu Katché. C’est le genre de souvenirs que l’on raconte à ses petits enfants plus tard.
Vous avez sûrement déjà eu l’opportunité de rencontrer vos fans en France. Est-ce que le public français est différent de celui des autres pays européens ?
Le public français s’y connaît bien en musique. La France a un historique musical assez riche. Il faut donc s’y attendre. De ce fait, les Français ne font pas dans la demi-mesure. Ils aiment ou ils n’aiment pas de façon instantanée. Vous savez tout de suite si cela vous plaît ou pas. C’était donc significatif que mon premier single “New Age” ait été bien accueilli par le public.
Quels styles de musique et quels artistes vous inspirent ?
Cela dépend de la période à laquelle on me pose cette question. Actuellement, je dirai que je suis inspirée par les compositeurs de la côte Ouest américaine de la fin 1960/1970. A cette époque, il y avait tout un mouvement musical qui est parti du “Troubadour Club” à Los Angeles où l’on pouvait voir James Taylor, The Eagles, The Birds, le groupe Crosby, Stills, Nash & Young. Il y a deux-trois albums de James Taylor qui tournent en boucle. Mais je fonctionne par phases. Parfois, je me plonge dans le hip hop. D’autres fois, il s’agit plus de chansons à texte. Cela dépend de mon humeur. Maintenant, je me promène dans la rue en ayant accès à un catalogue musical de centaines d’artistes et tout cela tient dans un appareil aussi petit que la main. C’est extraordinaire d’avoir une collection d’albums aussi fournie tout le temps avec soi.
Quel est votre rapport à la mode ? Faites-vous attention à ce que vous portez ?
Je fais beaucoup plus attention maintenant. Avant, cela m’importait peu. Mais le jour où j’ai allumé la télévision et que je me suis vu en train de porter des vêtements totalement inappropriés, c’est difficile de ne pas faire attention ensuite. J’aime porter des vêtements confortables, dans lesquels je suis à l’aise. Pour moi, il n’est pas question de montrer ce que je possède à travers mes vêtements. C’est une extension de ma personnalité. En ce moment, je porte beaucoup de créations par Vivienne Westwood. Les stylistes là-bas m’ont un peu pris sous leurs ailes. Je crois qu’elle ont compris que j’avais besoin d’aide. (rire)
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
En ce moment, toute ma concentration se porte sur mon album solo “Matter Fixed”. Lui donner une chance d’être écouté partout autant que possible. Je suis en tournée jusqu’à Noël. Je reviendrai ensuite pour le Nouvel An en France. Beaucoup de concerts et de promotion. J’ai très envie de faire des festivals également. J’ai hâte de faire tout ça.