Alors tout d’abord, peux-tu nous expliquer comment passe-t-on d’une formation en médecine dentaire à la mode ?
C’est une longue histoire, je fais du théâtre depuis mon adolescence, et j’ai toujours eu ce désir de devenir comédienne. Mais en Suisse, le métier de comédien est encore plus difficile d’accès qu’en France, il y a peu de débouchés. Ça a fait très peur à mes parents qui m’ont poussé dans mes études. Ce qu’ils ont bien fait, j’ai pu mûrir et quand j’ai décidé de tout quitter pour venir à Paris suivre les cours Florent, au moins j’avais un solide bagage derrière moi au cas où je me casse la figure. En fait j’ai réalisé mon rêve, avec beaucoup de sacrifices et de travail mais un rêve quand même.
Comment t’es venue l’idée du blog ?
J’ai commencé à bloguer pour partager mes bons plans, mes bonnes adresses avec d’autres filles rondes sur un forum de femmes rondes. Il y a 5 ans on ne parlait pas du tout de la mode pour les plus size et c’était encore plus la débrouille qu’aujourd’hui. J’avais envie de montrer que l’on peut être « ronde et à la mode » ! Puis j’ai quitté cette communauté me sentant trop à l’étroit. Je pense mode avant grosse, dans le sens que je revendique uniquement ma place dans la mode. Je trouve absolument stupide que la mode se limite à la taille 42, il y a une vie modesque au delà.
Les blogueuses mode qui se mettent en scène en proposant des photos d’elle sont souvent soumises à des critiques (physiques, reproche de superficialité, d’égo démesuré…). Est-ce que ce n’est pas encore plus difficile quand on est ronde ?
Les remarques sur mon physique m’importent peu, je ne vis pas à travers le regard des autres. Sur mon blog je partage mes looks, je ne poste pas pour dire, « venez me juger ». Non je donne des idées, point. J’ai une vie perso et professionnelle bien remplie, mes proches m’aident à avoir les pieds sur terre, heureusement car je ne suis pas fan du monde virtuel, les gens se croient tout permis derrière un ordinateur. Jamais ils n’oseraient certaines remarques s’ils m’avaient en face d’eux.
Sur mon blog, j’ai beaucoup de chance, mes lectrices sont formidables, elles échangent beaucoup entre elles, et quand un troll se glisse parmi elles, je n’ai même plus besoin de faire la police. En ce qui concerne l’égo, je suis comédienne, j’ai besoin d’un retour du public c’est normal, y a toujours un côté narcissique, mais que je ne rejette pas, ce n’est pas forcement négatif. J’ai appris beaucoup de chose sur mon image à travers mes photos.
Comment le succès de Big Beauty a-t-il commencé ?
Je ne sais pas si on peut parler de succès, disons que mon blog a pris de l’ampleur le jour où Daphné Bürki de Canal+ a fait un sujet sur mon blog. Ensuite tout a été très vite, le ELLE, la Redoute, mon livre, M6, en 2 ans, encore maintenant je me pince pour me dire que je ne rêve pas éveillée. J’en profite tous les jours à fond, je sais que tout cela peut disparaître en quelques jours.
Ton rêve était aussi de devenir comédienne. C’est d’ailleurs pour cette raison que tu es venue en France pour suivre les cours Florent il y a quelques années. Parle-nous de ton parcours en tant que comédienne jusqu’à aujourd’hui.
J’ai suivi une formation de comédienne en Suisse avec Yann Pugin, un comédien de théâtre très réputé en Suisse, moins en France. Il me fallait donc une formation reconnue ici, et les cours Florent furent pour moi une évidence. J’ai tenté les auditions d’entrée et j’ai été prise. Après 3 ans, j’ai même failli faire la classe libre (une sélection d’élèves comédiens triés sur le volet, la crème quoi). Mais mon prof de l’époque, que je ne remercierai jamais assez m’a dit : « envole-toi, tu es prête », j’étais morte de trouille. Aux cours on bosse tous les jours, on passe nos scènes, on est à l’abri du monde dur et réel du métier de comédien.
Je m’attendais à galérer quelques temps mais après 2 mois mon téléphone sonne et j’ai décroché mon premier rôle de comédienne professionnelle dans une pièce de théâtre. Aujourd’hui je suis encore dans la phase de galère du comédien, je ne joue pas tous les jours, le téléphone sonne peu mais avec mes multiples casquettes, je jongle et vis de mes passions. Je cumule, la mode, la télévision, mon blog.
D’où te vient cette passion pour la scène ?
Dans ma famille on aime beaucoup faire la fête, quand j’étais petite j’adorais me déguiser, je préparais des minis spectacles pour les réunions de famille. Plus tard j’ai commencé à faire des imitations, c’est même comme ça que je détendais certains de mes patients sur le fauteuil du dentiste. Je crois que j’ai toujours eu ça en moi.
Tu es également maintenant chroniqueuse dans l’émission 100% Mag, sur M6. Comment cette opportunité est-elle apparue ?
Encore ma bonne étoile ! A une semaine d’intervalle j’ai reçu deux appels de TF1 puis de M6. TF1 me proposait un pilote pour une émission sur le coaching. M6 une chronique beauté. J’ai plus d’affinité avec M6 et surtout j’avais besoin que cela s’intègre avec mon planning. J’ai passé un test pour une première chronique et j’ai décroché ce job de chroniqueuse. M6 m’a repéré lors d’un reportage que j’ai réalisé pour 100% Mag sur le coaching mode. Ils ont ensuite craqué sur l’énergie qui se dégage de mon blog, de la positivité. Finalement mon blog est la meilleure des vitrines.
Tu t’adonnes aussi à la création, tu as notamment travaillé avec La Redoute pour une collection pour femmes rondes, et aussi pour la marque Call me Ponie. Pourquoi ce choix ?
Je crois que c’est difficile de dire non à La Redoute, le géant de la vpc, est accessible par des milliers de clientes en si peu de temps, je ne pouvais pas dire non. La Redoute c’est 12 pays de diffusion pour une première collection je ne pouvais vraiment pas passer à côté. Pour Call me Ponie c’est Pauline de Pauline Fashion blog, qui m’a contacté pour collaborer avec elle sur une collection de vêtements en cuir pour femme, une capsule entièrement fabriquée en France par un artisan du Marais à Paris et diffusé par Fashion-cuir.com. La capsule habille toutes les femmes de la taille 36 au 58 et même du sur mesure. C’était important pour moi de penser à toutes les femmes, aux plus minces aussi. J’ai envie de casser ces barrières de taille que je trouve réductrice et ridicule. Avec la Redoute ce n’est pas réalisable car c’est une autre organisation, mais avec Call me Ponie on peut vraiment contenter tout le monde.
Est-ce que c’est difficile d’être à la mode et tendance quand on est ronde ?
Bien plus qu’on ne l’imagine. Même si aujourd’hui ça commence à s’ouvrir un peu, la mode se limite encore aux femmes minces. Trop peu de créateurs pensent à nous, et donc être tendance c’est le parcours du combattant. Heureusement qu’internet existe, on a accès de cette manière à des marques étrangères qui pensent plus à nous, comme aux anglais ou aux américains.
Je ne désespère pas que ça arrive en masse en France. Les chiffres sont là, au moment de la crise l’industrie de la mode a reculé de -8%, le marché du XXL lui a progressé de 14% ( cf source Monney Week). Les chiffres sont là, on attend plus que les créateurs français pour s’engouffrer dans la brèche.
Comédienne, blogueuse, créatrice, chroniqueuse… Et si tu devais choisir qu’une seule de ces activités…
Impossible de choisir je garde tout ! Je ne sais pas jusqu’à quand je bloguerai, probablement l’activité qui disparaîtra en premier, et j’espère être comédienne à plein temps dans mon futur, avec toujours un pied dans la mode.
Penses-tu que tu aurais le même succès si tu n’étais pas ronde ?
Ah ça je n’en sais rien, je suis différente physiquement des autres blogueuses mais j’espère aussi que l’on voit autre chose à travers moi qu’une grosse qui pose dans des fringues. J’ai un sacré caractère et ça ne vient pas de mes kilos en trop !
Tu es considérée comme une sorte de modèle pour beaucoup de femmes qui n’arrivent pas à assumer leurs formes. On peut voir beaucoup de commentaires d’encouragement, de remerciement sur ton blog… Qu’as-tu envie de leur dire aujourd’hui ?
C’est une question tellement difficile… Les commentaires que l’on peut lire sur mon blog sont la partie émergente de l’iceberg. Il y a tous les mails que je reçois, avec des messages, des témoignages des histoires qui souvent me bouleversent. J’ai parfois de la peine à retenir mes larmes, et je me dis merde, ce n’est vraiment pas normalement qu’aujourd’hui certaines femmes souffrent autant juste à cause de la mode. Ça me donne envie d’aller encore plus loin, de continuer, ça me motive. Mes lectrices sont mon carburant. Grâce à elles je gravis des montagnes. Alors un simple MERCI, parce que je ne trouve pas d’autres mots.
Et les copines de Big Beauty, ce sont essentiellement des filles qui ont des formes, ou peu importe ?
Oh que non, mon amitié ne se limite pas au physique, et pour être franche j’ai une majorité d’amies minces. Je ne suis pas à l’aise avec les réunions de femmes rondes, parce que j’ai l’impression de me retrouver dans un ghetto. Mais l’amitié c’est autre chose, ça ne se calcule pas et surtout pas à l’apparence !
Tu sembles désormais avec une force de caractère et une confiance en toi inébranlables. Y’a-t-il encore des critiques ou des remarques qui te blessent ?
Les critiques à mon égard ne m’atteignent plus je suis blindée, au contraire ces parpaings se transforment en mur pour aller plus haut. Les insultes sur les femmes rondes me blessent oui, l’intolérance me met hors de moi , et la grossophobie me donne envie de vomir. Aujourd’hui l’homophobie, le racisme sont punis, pas éradiqués mais punis. La grossophobie est la dernière discrimination autorisée.
Quelles sont tes bonnes résolutions pour la nouvelle année ?
Continuer sur ma lancée !
Enfin, peux-tu nous parler de tes futurs projets ?
A partir de vendredi 14 janvier je suis au théâtre du Gymnase pour « Le Grand Soir » tous les soirs du mardi au samedi à 20h (salle petit Gymnase). J’ai un autre projet avec M6, et dans la mode également, la marque Big Beauty a encore de beaux jours devant elle !